Le droit de l’inconscient ?

Le droit de l’inconscient ?

 

Dans un autre axe de recherche, il s’agit de revenir sur les modes alternatifs de résolution des conflits, non pas du point de vue de la technique juridique, mais dans une optique comparatiste et anthropologique.

 

Car il nous semble bon que, dans une faculté de droit, ne se fassent pas entendre les seules paroles de la loi, mais que résonnent depuis les horizons les plus lointains les tambours qui rythment les compétitions de chants, les palabres des vieux sages, les coups des duellistes ou bien encore les imprécations du patient qui marche au chaudron. Vaste panorama qui d’Orient en Occident incite à relativiser la part du judiciaire, à lire le droit ailleurs que dans les prétoires, même si la mise en oeuvre contemporaine des modes alternatifs risque parfois de se révéler un leurre et le masque d’un rapport de force. Dans son ouvrage Trial by fire and water. The Medieval Judicial Ordeal (Oxford, 1986), Robert Bartlett voyait dans l’ordalie médiévale non une situation de face to face group mais une technique qui permettait à des structures encore peu étatisées d’imposer un châtiment. Les premières attestations de l’ordalie que l’on peut repérer dans l’Empire romain incitent à la même analyse. Que ce soit dans la Bretagne des IIe-IVe siècles ou dans l’armée du Ve siècle, l’ordalie permet de fonder l’autorité des décisions rendues en les rattachant à une autorité divine. Sans doute peut-on dresser un parallèle avec la situation préoccupante en Afrique noire d’une recrudescence des procès en sorcellerie et des jugements ordaliques. Dans un contexte d’acculturation, les multiples accusations à l’encontre des voleurs de sexe, des homicides léopards ... prennent sans doute sens. Il y a là un champ de recherche que nous développerons en collaboration avec l’université de Kara (Togo). Les recherches menées depuis de longues années par Raymond Verdier sur place ont permis, outre la production de films qui passent pour des documents exceptionnels pour la connaissance du rituel de l’ordalie, de mettre en place un projet de recherche conduit sur nos deux universités. Le CHAD participe au financement du travail de recherche mené par des étudiants de l’université de Kara et organise leur accueil dans notre université de Nanterre. Nous avons également des contacts très étroits avec Andrea Taddei (Université de Pise) qui travaille sur le recours à l’ordalie dans le procès dans la Grèce antique ainsi qu’avec Catherine Baroin (MAE) pour la Tanzanie. A terme, nous comptons donc initier un nouveau colloque international sur l’ordalie qui permettra d’intégrer les nouvelles recherches des uns et des autres menées sur la question dans les actes qui en résulteront. 

 

Mis à jour le 02 mai 2016