Des coutumes proto-nationales (Projet ASCE, analyse des substrats coutumiers européens)

Des coutumes proto-nationales (Projet ASCE, analyse des substrats coutumiers européens)

 

Jamais, sauf au siècle passé lors de la formation des USA ou de nos jours, les processus de d'acculturation n’ont pris autant d’ampleur qu'à la fin de l'Empire romain. Durant le IVe siècle, l'Empire avait déporté des communautés tribales pour les installer dans les "champs déserts» que créaient sa politique fiscale et l'égoïsme de ses élites. Ces populations "déditices» ont été concentrées en quantités importantes en Gaule septentrionale, dans le nord de l'Italie, dans les pays danubiens ou en (Grande)-Bretagne. Renforcées par des installations ultérieures de "fédérés» et appuyées sur une population campagnarde barbarisée par les importations d'esclaves, certains de ces groupes ont pris le pouvoir en Europe. Ce processus aboutit, notamment en France, à une "mosaïque culturelle» où se fixe une carte anthropologique dont les couleurs contrastées vont très lentement se fondre dans l'unité administrative du XIXe siècle. Le projet est de reconstituer - à travers une documentation peu loquace et qui, par et pour l'Eglise, privilégie l'unité quitte à l'imaginer – les origines de cette diversité. On s’interroge aujourd’hui en Europe, de façon parfois bien sommaire, sur les « valeurs « et les « identités ». Cette implication idéologique est à la fois l’un des intérêts et des dangers de l’étude.

 

Le projet n’a pas encore suscité de publication globale comme il est souhaitable et toujours envisagé. On peut cependant citer cinq articles, sur les éléments iraniens en Gaule des IVe-Ve s., sur les tablettes de Trèves et sur les colonies bretonnes en Gascogne. Ils portent essentiellement sur divers contenus juridiques et culturels de la diversité ethnique dans la France du Ve siècle. Il ne suffit pas en effet d’établir la diversité ethnique, il faut aussi montrer les effets durables qu’elle a eus. La publication globale devra se faire tant sur le plan informatique que sur le pan de l’édition traditionnelle. Le caractère extrêmement éparpillé et divers des sources, et donc la nécessité d’une critique serrée de chacune des informations parcellaires ainsi obtenues pour en déterminer le sens et la portée, supposent un apparat critique disproportionné au texte qu’il supporterait. Il faut donc lier la publication traditionnelle et publication informatique, par la base de données, qui permettra d’alléger sérieusement les références dans la première. La base de données suppose en premier lieu la constitution d’un certain nombre de fichiers informatiques. Le problème n’est pas seulement de continuer à accumuler les données, il est maintenant d’ordre technique : sous quelle forme envisager la communication informatique, c’est-à-dire la base de données. Pour les publications-papier, on peut penser que certains éléments du projet pourront être utilisés dans le manuel de la Nouvelle Clio (cf. supra). Le projet spécifique d’un ouvrage consacré exclusivement à la question de la diversité ethnique dans la France du premier Moyen Age (chez Fayard ?), est de la sorte retardé. L’exemple du succès très relatif en France du pourtant remarquable ouvrage de Karol Modzelewski (l’Europe des barbares), doit nous inciter à ne publier qu’un ouvrage très étayé, notamment pas la base de données qui permettra seule la communication d’un apparat critique autrement disproportionné au texte. Un point positif, depuis un an, est la perspective d’un élargissement international de la recherche dans lequel le projet Asce pourrait s’insérer. Il s’agit de la constitution d’un réseau dont notre équipe est partie prenante (IAO – Ius, Arma, Ordo). Il est pour le moment surtout implanté en Italie, notamment à l’Université de Cagliari, mais, outre les chercheurs italiens, surtout romanistes, de diverses universités italiennes, il compte quelques membres en Espagne (Bilbao) et en Allemagne (Berlin). Il s’agit d’étudier le mouvement réciproque d’acculturation entre le ou les droits de la romanité impériale, plus ou moins « vulgarisée », et les droits coutumiers des sociétés européennes extra-impériales, dites barbares, dans un champ donné, celui de l’armée en tant qu’institution et en tant que forme sociale « acculturante ». Une première rencontre de travail a eu lieu à Cagliari, les 5 et 6 octobre 2012, « Civitas, Ius, Arma », qui a permis, à travers plusieurs conférences, de dégager une nette convergence dans les différentes recherches.

 

Mis à jour le 02 mai 2016