Mauvais juges et mauvais jugements. Les cadres de la contestation et de la résistance à l’injustice

Publié le 29 août 2018 Mis à jour le 21 septembre 2019

M. Soula, Université Paris Nanterre

L’année précédente nous nous sommes intéressés au duel au XIXe siècle, et plus particulièrement dans l’espace journalistique et politique sous la Monarchie de Juillet. Il s’agissait de rendre raison de l’activation du duel, qui est apparu comme un moyen non pas de régler les conflits à l’intérieur de ces professions alors assez proches, mais de définir les frontières de cet espace et d’objectiver les « bons » savoir-faire et savoir-être. Le duel correspond bien d’ailleurs à un certain type de journalistes/écrivains : ceux qui confondent leur existence avec leur art ou leur combat politique. Cette personnalisation de la responsabilité artistique ou autoriale se trouve exacerbée dans un temps politique troublé, ou coexistent plusieurs formes possibles de gouvernement et de légitimité politiques (monarchie, empire, république), car aucune n’est véritablement fixée. Un moment où le pouvoir, derrière la liberté d’expression, tente de restreindre la parole publique et attaque les journaux, principalement républicains. Un moment particulier de tensions politiques, dans lequel des agents peuvent personnaliser une idée de la liberté, du journalisme, de l’éthique professionnelle. Un moment dans lequel une attaque personnelle peut déstabiliser un agent et donc son combat. Le recours au duel permettant soit d’empêcher la diffusion de ces attaques par la menace, soit de réparer le tort causé en montrant un engagement total (physique et moral) dans une cause, définissant en creux les qualités du « bon » journaliste ou du « bon » politique.
Dans la même lignée, le cours s’intéresse cette année encore aux moyens extra-judiciaires de définition du juste et du bon et plus particulièrement à la contestation des mauvais juges et des mauvais jugements. Autrement dit, comment renverser politiquement et socialement une sentence qui a pour elle la force et l’autorité de l’État justicier, comment la justice est contestée dans son monopole de dire le juste et, par des moyens qu’il nous faudra étudier, devient « injuste ».
Cette année, nous prendrons pour cadre une analyse globale des systèmes de contestation. Il ne s’agit pas encore de faire une recherche particulière, mais d’abord d’interroger l’objet étudié et de le resituer dans l’espace historiographique et épistémologique.
3 temps : 1. Un panorama des modes de contestation des jugements depuis le Moyen Âge (rituels populaires, insurrections, production de théories juridiques, fabrique du scandale...). 2. Les conditions de l’efficacité des renversements des sentences (conditions sociales et politiques, création d’autres lieux de « jugement » comme l’espace public ou le tribunal de l’opinion, explication des échecs). 3. Les liens entre jugements et mémoires ou comment faire de l’histoire le juge suprême.

 


Mis à jour le 21 septembre 2019