Valeurs et identités dans l’Europe médiévale

Publié le 6 septembre 2017 Mis à jour le 6 septembre 2017

G. Davy, Université Paris Nanterre

À la période médiévale, comme à d’autres époques de l’Histoire humaine du reste, la loi est un vecteur fondamental d’identité des peuples. C’est ce que va s’attacher à analyser cet enseignement, à travers les données que nous révèlent les sources du Xe au XIIIe siècle (corpus juridique mais aussi sources narratives, récits d’origines, épopée et sagas) et les travaux qui les ont exploitées à des époques plus récentes.
Le champ d’exploration se limitera, pour l’essentiel de cet enseignement, à l’espace normand, et plus spécialement au duché de Normandie et à la sphère islando-norvégienne. La logique de cet espace n’est pas fortuite tant les cultures normandes et nordiques ont parfois marché de conserve au Moyen Âge et ont souvent été appréciées collectivement à la période moderne.
Dans la Normandie de l’an Mil en effet, est apparue une idéologie officielle de la communauté normande campée autour d’une histoire mythifiée, celle des premières lois ducales. Ont alors été jetés des topoï qui formeront le socle de l’identité provinciale jusqu’à la Révolution française, et même au-delà. Des fameuses « lois de Rollon » seront même tirées puis modélisées diverses interprétations de la « constitution primitive », thème particulièrement en vogue dans les dernières années de l’Ancien Régime.
Une approche analogue est encore visible dans un autre espace géographique, la Scandinavie médiévale. Dans les sources danoises et plus encore islando-norvégiennes, le récit de l’édiction des premières lois illustre, là encore, à la fois l’instauration d’un ordre (social, public…) et la prise de conscience d’un élément fédérateur du groupe. L’appartenance à ce dernier est ainsi liée à la conscience de la soumission commune à un droit originel. À la nuance près que les sources nous livrent ici non pas un mais deux modèles dominants : celui, romanisant, du prince législateur (c’est le cas dans les gestes danoises et les sagas royales norvégiennes) et celui, plus original, de la loi prise comme produit de la communauté toute entière (c’est le cas de la « République d’Islande »). À la fin du XIIIe siècle cependant, ces deux modèles entrent en opposition lorsque le roi de Norvège place sous sa coupe la communauté islandaise.
Il n’en demeure pas moins que les sources islandaises, composées avant comme après l’avènement de cette « Grande nuit », ont souvent été prises comme le témoignage relativement fiable de la culture juridique viking (donc commune aux Normands de la Seine et aux Hommes du Nord) et, plus encore, comme celui d’une ancienne germanité. C’est de cette croyance qu’à la période moderne, certains juristes ou historiens (Montesquieu ou Mallet pour ne citer qu’eux, avant Augustin Thierry au siècle suivant) ont jeté les bases d’une mythologie politique laissant voir le « Nord » comme le berceau des libertés !
L’objet de cet enseignement sera donc de déterminer de quelle manière naît ce processus identitaire, à travers une perspective anthropologique, historique et juridique, d’envisager comment la loi se révèle sa clé de voûte, et d’apprécier comment, par le relai de l’historiographie, il a pu évoluer à travers les siècles.
Trois temps rythmeront les séances de cet enseignement : celui de la propédeutique où seront posées, à la lumière de traditions réputées barbares, les connaissances historiques et anthropologiques en matière « d’ethnogenèse juridique » ; celui des problématiques, où seront étudiées les traditions normandes et nordiques à travers ce que l’on sait de la construction de leurs systèmes juridiques respectifs ; enfin celui des projections où seront jetées quelques pistes de réflexions sur l’exploitation du « mythe des hommes du Nord » dans l’historiographie juridique des XVIIIe et XIXe siècles.

 


Mis à jour le 06 septembre 2017